La Chevalier d’Éon à la National Portrait Gallery de Londres
Charles de Beaumont, chevalier d’Eon, 1792 Huile sur toile - 73,7 x 67,2 cm
Londres, National Portrait Gallery Photo : National Portrait Gallery
Il défraya la chronique en s’habillant en femme - son nom donnera d’ailleurs naissance à l’éonisme - et finalement, vécut à Londres entre 1762 et 1777 en tant qu’homme, puis entre 1785 et 1810 en tant que demoiselle, si bien que le roi Louis XVI lui interdit de paraître en France sous une apparence masculine et encore moins en uniforme de capitaine des dragons. Des caricatures évoquent ce personnage haut en couleurs, grand escrimeur qui menait des duels en jupons.
Le portrait nouvellement acquis n’a rien d’une caricature, il émane même du modèle une certaine douceur mélancolique renforcée par la tête légèrement inclinée et le fond dénudé. On retrouve cette douceur dans un dessin du château de Blérancourt qui donne une idée de la grâce de ses traits étant jeune. Étrangement, ses portraits féminins omettent rarement l’ordre de Saint-Louis, d’autant plus étonnant ici qu’il est coiffé de la cocarde révolutionnaire ; car le chevalier accueillit favorablement la Révolution et proposa même à l’Assemblée nationale de mener une armée d’amazones.
La peinture fut découverte l’année dernière par Philip Mould, marchand londonien, lors d’une vente près de New York. Elle était alors présentée comme un Portrait de femme, anonyme, et attribuée à Gilbert Suart. L’auteur est en réalité Thomas Stewart, portraitiste à Londres à la fin du XVIIIe siècle. Il s’agirait d’une copie d’après une toile de Jean-Laurent Mosnier exposée à la Royal Academy en 1791. La copie fut probablement commandée par Francis Rawdon Hastings, qui nourrissait un certain goût pour les portraits originaux.
English Version
Spurce :http://www.latribunedelart.com/un-etrange-portrait-pour-la-national-portrait-gallery-de-londres-article003772.html
J'ai couru toute ma vie comme une vierge folle après l'ombre des choses...Ma seule consolation est qu'au milieu du désordre des camps, des sièges et des batailles, ainsi que dans l'horreur (sic) des cabinets de la politique, j'ai eu le bonheur de conserver intactes la paix intérieure et la pureté de mes moeurs et de ma foi. Moi seule sait tout ce qu'il m'en a coûté pour m'élever au dessus de moi-même.
Il a joué avec le feu : sa brouille avec Beaumarchais, et ses manoeuvres pour tirer profit des ordres de mission donnés par Louis XV le condamne à cet état ambigu qu'il ne souhaitait, à certaines époques, plus revêtir.
Nous le disions au début de ce sujet, c'est Louis XVI, via Vergennes, qui le contraint à porter définitivement habits de femme s'il veut paraître à la cour et rester à Paris.
Mais voici ce qu'il écrit à Vergennes, en 1777 :
Je m'efforce, dans la retraite, de m'habituer à mon triste sort. Changer d'habits, de chemise, de logis, de résolution, d'avis, de langage, de couleur, de visage, de mode, de note, de façon de faire.
Depuis que j'ai quitté mon uniforme et mon sabre, je suis aussi sot qu'un renard qui a perdu sa queue !
Je tâche de marcher avec des souliers pointus et des hauts talons, mais j'ai manqué me casser le col plus d'une fois.
Au lieu de faire la révérence, il m'est arrivé d'ôter ma perruque et ma garniture à triple étage, que je prenais pour mon chapeau et pour mon casque.
Et ici, à Maurepas en 1779 :
Il demande à reprendre ses habits d'homme :
les jours ouvriers de la semaine, pour que je puisse entretenir ma santé par l'exercice du cheval, de la chasse et des armes, et que je ne sois obligée de porter mes habits de fille que les fêtes et dimanches.
Dans ma position femelle, je suis dans la misère avec les bienfaits du feu roi, qui suffiraient pour un capitaine de dragons, mais qui sont insuffisants pour l'état qu'on m'a forcé de prendre.
M. le comte de Maurepas doit comprendre que le plus sot des rôles à jouer est celui d'une pucelle à la cour, tandis que je puis jouer encore celui de lion à l'armée.
Mais il s'habitue aussi, jouera ce double jeu, et écrira de même au féminin :
Je suis outragée par un histrion (Beaumarchais) qui n'eût pas osé regarder en face le chevalier d'Eon, par un plébeien qui faisait carillonner des pendules (premier métier de Beaumarchais), quand l''Europe retentissait de mes exploits guerriers et politiques !
Je le dénonce et le livre à toutes les femmes de mon siècle, comme ayant voulu enlever son crédit sur celui d'une femme, obtenir des richesses sur l'honneur d'une femme, et enfin venger son espoir frustré en écrasant une femme.
Victoire ! mes contemporaines, victoire et quatre pages de victoire !...Ombre de Louis XV, reconnaissez l'être que votre puissance a créée !...Femmes, recevez-moi dans votre sein, je suis digne de vous.
Source : http://maria-antonia.justgoo.com/t890p60-le-chevalier-d-eon