Les ouvriers mieux protégés sous la royauté ?
En 1908, Jean Frollo, chroniqueur du journal Le Petit Parisien, rend justice aux corporations de l’Ancien Régime, expliquant et montrant combien il serait erroné de la part des hommes du XXe siècle de supposer que la protection du travail est une conception nouvelle, et de croire que les questions d’hygiène, de repos, etc., ne furent jamais l’objet des préoccupations de nos pères.
Loin de là ! lance notre chroniqueur. Il est même curieux de constater avec quelle sollicitude on réglementait la vie ouvrière, à commencer par celle de l’apprenti, cet humble élève tant négligé maintenant et qu’il faudrait, au contraire, entourer de soins éclairés, afin de préparer le travailleur modèle. J’ai sous les yeux un travail récemment publié par la Normandie Médicale. Son auteur, M. Duquesne, y cite de multiples extraits des statuts des vieilles corporations, où sont inscrites des prescriptions qui n’ont pas toujours été respectées en des heures plus modernes.
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Le repos hebdomadaire, par exemple, est absolu, et il vient s’y joindre huit jours de vacances à Pâques, et autant à Noël ; il est interdit aux cordiers, ainsi qu’à d’autres maîtres, de faire veiller les apprentis, sous peine d’amende ; les cordonniers ne peuvent faire travailler les gens ailleurs que dans des boutiques ouvertes, afin d’éviter les abus qui pourraient se commettre dans des chambres fermées, où la durée des journées serait trop prolongée.
Voici un maître-horloger de la rue Saint-André-des-Arts qui, prenant un apprenti, s’engage « à le coucher, le nourrir, blanchir, loger, et le traiter doucement et humainement comme il appartient ». Et ce n’est pas là un verbiage sans valeur. Les patrons qui manquent à leurs engagements risquent gros. Le règlement des ébénistes de Rouen dit textuellement : « Et si d’aucuns maîtres commissent aucunes violences ou excès auxdits apprentis, ou n’eussent de quoi fournir à leur nourriture, lesdits apprentis seront repourvus sous un autre maître, pour achever les dites quatre années aux frais et dépens du premier maître. »
Il est vrai qu’en retour l’apprenti était contraint à une conduite exemplaire, et ne pouvait ni s’absenter ni découcher sans autorisation, sous peine de s’exposer à des punitions fixées par les règlements de la corporation. Pourtant, ce n’était pas l’esclavage, car ces jeunes gens pouvaient librement donner congé, sous l’unique obligation de terminer r œuvre commencée. A leur tour, les maîtres devaient prévenir l’apprenti un mois d’avance, précaution qui a été oubliée depuis. Tel était l’usage notamment chez les bonnetiers et teinturiers de Paris.
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